Objectif : Evoquer La Danse de la fondation Barnes, peinte au début des années 30, alors que Matisse semble décidé à revenir au monumental, après une décennie passée à peindre des toiles de petites dimensions.
Les années 30 commencent pour Matisse par un
grand voyage, comme pour s’obliger à passer à autre chose, après la période, relativement longue, des
Odalisques. Il part aux Etats-Unis, visite New York, dont l’architecture et la lumière le fascinent, puis Chicago, Los Angeles et San Francisco, d’où il embarque pour Tahiti, où il restera trois mois. La lumière du Pacifique le fascine, mais il la trouve presque trop puissante, trop éclatante, et hormis quelques dessins et photographies, il ne travaille pas.
Il fait cependant des
provisions de sensations et de couleurs vives et franches (« des poissons mirobolants », écrit-il à Bonnard) dont il se souviendra une douzaine d’années plus tard avec ses gouaches découpées. Cette même année 1930, à l’automne, Matisse repart aux Etats-Unis. D’abord à Pittsburg pour participer au jury du prix Carnegie, qu’il a reçu trois ans auparavant et qui cette fois-ci récompensera Picasso.
Matisse en profite pour rendre visite à des collectionneurs new-yorkais mais aussi pour rencontrer, à Merion, l’énigmatique
Docteur Albert C. Barnes. Ce dernier, qui a fait fortune dans l’industrie pharmaceutique, vient de s’y faire construire un musée privé pour y abriter sa fabuleuse collection, qui contient notamment des chefs-d’œuvre de Renoir, de Cézanne (des
Baigneuses), de Seurat (
Poseuses) ; lors de sa rencontre avec Matisse, Barnes lui demande d’en décorer la grande salle. Pour le peintre, il s’agit d’un nouveau défi, qu’il s’empresse de relever.
1. Retour au monumental
La surface à couvrir est non seulement grande, 52 m
2, mais elle s’inscrit surtout dans un espace contraignant, puisque divisé en trois lunettes semi-circulaires séparées par les arcs de retombée de la voûte qui couvre la salle ; ces lunettes, situées au-dessus de hautes portes-fenêtres, et donc à contre-jour, sont cependant reliées dans leur partie inférieure par un bandeau horizontal.
Matisse prend tout de suite le parti de soumettre ses panneaux aux formes de la structure, leur conférant ainsi une fonction architecturale. En 1934, il déclarera à Dorothy Dudley : « C’est une salle pour des peintures : traiter ma décoration comme un tableau aurait été déplacé. Mon but a été de traduire la peinture en architecture, de faire de la fresque l’équivalent du ciment ou de la pierre. »
La méthode la plus simple aurait été de mettre ses esquisses au carreau, comme cela se fait en décoration murale. Mais Matisse va opter pour sa manière personnelle, qui sera de se mesurer directement au
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