Objectif : Evoquer la contribution qu’apporteront à partir de 1923 Laszlo Moholy-Nagy et Joseph Albers au changement de direction du Bauhaus, afin d’aller vers une meilleure adaptation au contexte économique et industriel.
Sanctionné par la démission de
Johannes Itten en avril 1923, le changement d’orientation décidé par Gropius pour le Bauhaus doit s’appuyer sur des
hommes nouveaux. La plupart des professeurs de la première heure, plus quelques autres arrivés plus récemment, comme Kandinsky en 1922, sont encore attaché à l’art en tant qu’acte créateur individuel, spirituel, ayant peu à voir avec la production industrielle.
Laszlo Moholy-Nagy voit les choses tout autrement.
Hongrois, Moholy-Nagy (1895-1946) a vécu l’instauration de la République des Conseils de Bela Kun à Budapest après 1918. Il y a forgé sa conscience politique révolutionnaire. Autodidacte devenu artiste presque par hasard, il cultivera la polyvalence.
Arrivé à Berlin en 1920, il rencontre les dadaïstes dont il reprend la pratique du photomontage. Il fréquente aussi les suprématistes russes et se lie avec
De Stijl et Théo Van Doesburg, dont il partage les idées constructivistes sur
l’importance décisive de la machine dans l’art.
Gropius l’engage en 1923 et lui confie l’atelier du métal et le cours préliminaire en remplacement d’Itten, où il sera épaulé par
Josef Albers (1888-1976), élève brillant du Bauhaus devenu maître à son tour. Tous les deux auront une grande influence sur l’évolution du Bauhaus.
1. Moholy-Nagy, le constructivisme et la machine
Vêtu de sa combinaison d’ouvrier (quand Itten portait une robe de moine), Moholy-Nagy arrive au Bauhaus « comme un brochet dans un bocal de poissons rouge », selon un témoin de l’époque. Il est décidé à faire
table rase de tout ce qui constituait jusque là le fond de l’enseignement du Bauhaus, du moins celui que dispensait Itten.
L’art individualiste, conçu pour une élite, mâtiné de références mystiques, sans répercussion bénéfique et concrète pour le peuple, n’intéresse pas Moholy-Nagy. Pour lui, la seule réalité de ce siècle sur laquelle il faille compter, c’est la
technologie, et l’artiste du XX
e sera celui qui aura su dompter la machine.
Ses collègues et certains élèves s’opposent évidemment à de telles conceptions, mais Moholy-Nagy ne raisonne pas seulement en terme de production industrielle : un artiste inspiré ne doit pas se soumettre entièrement à la
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